Écrivain ayant fortement marqué la littérature française de la première moitié du XXe siècle, Roger Martin du Gard a tissé des liens avec les Alpes-Maritimes, puisqu’il a vécu à Nice dans les années 1940 où il est enterré au cimetière de Cimiez.

Présentation

Roger Martin du Gard naît à Neuilly-sur-Seine le 23 mars 1881 dans une famille d’avocats et de magistrats. Il fait ses études à Paris, à l’école Fénelon, puis aux lycées Condorcet et Janson de Sailly. Il entre ensuite en faculté de Lettres mais échoue à la licence. Il est accepté en 1903 à l’École nationale des chartes et obtient son diplôme d’archiviste-paléographe. Trois années plus tôt, il avait épousé Hélène Foucault avec qui il aura une fille, Christiane, née en 1907.

Mais ce qui intéresse dès son plus jeune âge RMG est l’écriture.  Il publie son premier roman, Devenir, en 1909. Il a  alors 28 ans. Ce roman sera aussi l’expression de la crise moderniste qui affecte les valeurs des sociétés catholiques de ce début de siècle. En 1913, Gaston Gallimard publie son  second roman, Jean Barois. Cette publication l’amène à se lier d’amitié avec André Gide et Jacques Copeau. L’amitié avec Gide sera longue et fidèle et donnera lieu à une riche correspondance (voir bibliographie).

Les Thibault

Mobilisé en août 1914, il commence à rédiger son journal qu’il tiendra jusqu’à la mort de sa femme en 1949 (3 volumes). A partir de la fin de la guerre, il se lance dans un vaste projet, qui deviendra l’œuvre de sa vie : l’écriture d’un très long roman sur une période précise, 1905-1918. Ce sera  Les Thibault,  fresque romanesque et historique d’une famille bourgeoise parisienne d’avant 1914. L’auteur s’attache particulièrement au destin de deux frères, Antoine, brillant étudiant en médecine plutôt conservateur et son cadet Jacques, écrivain et homme révolté. L’agonie de Jacques gazé et gisant dans les tranchées laisse au lecteur un souvenir qui ne s’oublie pas.

« D’intolérables douleurs le mordent aux reins, aux cuisses, aux genoux. Il est cloué au sol par des pointes de fer. Sa bouche n’est qu’une plaie ; sa langue, enflée, l’étouffe. Les yeux clos, il renverse la nuque, il balance la tête de droite et de gauche, il contracte les épaules pour un impossible redressement, et retombe, avec un gémissement étranglé, sur ces clous qui lui percent le dos. Une odeur infecte, d’essence, de drap roussi, emplit ses narines, sa gorge. Il bave et, du coin de ses lèvres qu’il ne peut presque plus entrouvrir, il rejette un caillot de sang, compact comme la pulpe d’un fruit .

« - Quelle nationalité ? Étiez-vous en mission ? »

La voix bourdonne à ses oreilles, et violente sa torpeur. Son regard vacillant remonte des profondeurs opaques, se glisse entre les paupières, émerge un instant au jour. Il aperçoit une cime d’arbre, le ciel. Des jambières, blanches de poussière… des pantalons rouges… L’armée… Un groupe de fantassins français est penché sur lui. Ils l’ont tué, il est en train de mourir… » L’Eté 1914 LXXXV p 71-72 Gallimard Folio édition 1991

Le contenu de  l’œuvre comprend 8 volumes : Le Cahier gris (1922), Le Pénitencier (1922), La Belle Saison (1923),  La Consultation (1928),  La Sorellina (1928), La Mort du Père (1929),  Été 1914 (1936) et Épilogue (1940).

Entre le 6ème et 7ème tome des Thibault paraît  Confidence africaine, une histoire d’inceste.

Prix Nobel de Littérature

En 1937, pour Les Thibault et après la publication du septième volume, été 1914, RMG reçoit le prix Nobel de littérature ainsi que le Grand prix de la ville de Paris.

Célèbre grâce aux Thibault, RMG a aussi produit des pièces de théâtre. La première en 1913, Le Testament du père Leuleu : une farce paysanne, puis  La Gonfle  en 1928, et enfin Le Taciturne en 1932, qui sera montée et jouée par Louis Jouvet.

Son travail d’écrivain ne l’a pas rendu pour autant sédentaire. Il n’hésite pas à changer de lieux pour trouver le repos et l’inspiration. Il achète à son beau-père le château du Tertre dans l’Orme, à la lisière de la forêt de Bellême qu’il restaure. L’auteur y vit de 1925 à 1939. Epoque de sa plus importante  production littéraire et de l’écriture des Thibault. Le Château n’est pas seulement un lieu de travail, RMG y accueille nombre de ses amis : Gide, Malraux, Schlumberger seront ses invités.

Période de la Seconde Guerre Mondiale et après

La guerre éclate, RMG s’installe durant les années 1940 –1945 à Nice au 2, Boulevard de Cimiez en compagnie de sa femme. Dans sa correspondance avec André Gide, il témoigne de la vie quotidienne et difficile à Nice en temps de guerre. Il n’y a plus rien au marché, seulement du pain rationné :

Septembre 42 : « On voit des mères de famille pleurer en pleine rue ; et de rage, d’énervement, d’impuissance autant que de détresse. L’hiver ne pourra être pire à moins que le pain ne manque lui aussi. Les gens en parlent. On voit approcher cet hiver avec panique. » Correspondance André Gide/Roger Martin du Gard, Editions Gallimard.

L’été 1942, RMG loue pour 6 mois une villa au Cap d’Antibes. Il commence un roman  Souvenirs du Lieutenant-Colonel de Maumor, et se lance dans un « gigantesque travail préparatoire, informe et foisonnant ». Le roman restera inachevé et ne sera publié qu’après sa mort.

Fin 1944, il  doit se réfugier près de Figeac, considéré comme suspect aux yeux des Allemands. Après la guerre, le couple navigue entre Bollême dans l’Oise et Nice où ils passent l’hiver en raison de la santé fragile d’Hélène. Celle-ci décède en novembre  1949. Une pénible épreuve pour l’écrivain :

« Ce n’est pas la solitude qui est terrible, bien au contraire ; c’est l’absence, ce qui est très différent. » Correspondance,André Gide/Roger Martin du Gard, Editions Gallimard.

A partir des années 1950, il se retire dans son château  de l’Orme tenu aujourd’hui par sa petite fille Anne Véronique Coppet. Le château, posé dans un parc magnifique peut se visiter.

RMG meurt d’un infarctus en 1958. Il est alors âgé de 77 ans. Il repose au cimetière de Cimiez, à Nice, aux côtés de sa femme. En octobre 2014, une plaque commémorative est apposée au Grand Palais de l’université de Nice.

La vie littéraire

RMG a développé un grand intérêt pour l’histoire et acquis une véritable « conscience scientifique» doublée d’un sens du détail et de l’exactitude. Il a accumulé prise de notes, lectures d’ouvrages, recherches documentaires. Sa bibliothèque, riche de plus de 10 000 ouvrages, en témoigne. Sa correspondance avec André Gide, Jaques Copeau, Georges Duhamel, Jean Tardieu ne comprend pas moins de 10 volumes. Ses échanges de lettres, en particulier avec André Gide, révèlent un profond sens de l’amitié.

Témoin de la vie littéraire de son époque, Roger Martin du Gard n’a pas pour autant manqué d’imagination et de créativité littéraire. Dans ses œuvres publiées à titre posthume, on découvre même un écrivain attentif aux autres, sachant manier un style vif et spontané. RGM se redécouvre sans cesse et là tout est son intérêt.

Ecrivains cités dans cette fiche

  • André Gide (1869-1951) : écrivain français, prix Nobel de littérature en 1947, fondateur de la revue littéraire Nouvelle Revue Française (NRF)
  • Jacques Copeau (1879-1949) : critique de théâtre, participe à la fondation de la NRF.
  • Georges Duhamel (1884-1966) : médecin, écrivain et poète français
  • Jean Tardieu (1903-1995) : écrivain et poète français